Nous aimerions rechercher une architecture où la voix se perd, et nous demander ce que veut dire perdre la voix devant et surtout dans un ouvrage architectural, qui est configuré pour cela, pour imposer ou ménager le silence. Nous voudrions en même temps dépasser une simple alternative entre une architecture faite pour amplifier les sons et une autre faite pour les absorber.
Traditionnellement l’architecture est le premier des arts, celui où le langage ne s’est pas encore trouvé (la pyramide chez Hegel, lieu où le sens est enfoui).
Même quand on vit à l’intérieur, elle est deux fois silencieuse:
– comme architecture du sommeil (de l’abri animal à la chambre où l’on dort)
– comme architecture de la méditation et du secret: alors, si la voix se perd, c’est parce qu’elle laisse place à une voix intérieure. Méditer, c’est se trouver à l’intérieur d’un lieu et rechercher en lui un lieu plus intérieur encore, un soi intime qui parle silencieusement.
C’est évident dans l’architecture religieuse: nous parlerons du lien entre lecture silencieuse, prière silencieuse, et églises. Il faut rester d’autant plus silencieux en priant que la voix porte, que l’église est faite pour amplifier la voix. Nous pensons également à la scène finale de In the Mood for Love de Wong Kar Wai, où le personnage principal enfoui son secret dans un arbre lui-même situé dans un temple. https://www.youtube.com/watch?v=ZgO_sCXrK4s
Ensuite nous nous intéresserons aux lieux profanes destinés au silence (bibliothèques, hôpitaux, certains laboratoires) et qui exigent une sorte d’acoustique à l’envers, où la voix se perd effectivement (en utilisant la hauteur des plafonds par exemple).
De là nous passerons à la question de l’insonorisation et du voisinage dans l’habitat privé et dans la ville, des relations complexes entre les murs et le silence (le mur est frontière, comme toute frontière, il est prêt à être traversé).
Avant de nous demander s’il n’y a pas une forme de silence aux endroits où on l’attend le moins (nous pensons aux gares et aux aéroports): les voix se perdent dans un fond sonore qui est le plus profond des silences.